[Terminé] Un départ vers un monde nouveau [Axelle]

Louis jeta un dernier regard en arrière, vérifiant que ses parents n'étaient plus visibles. Il aurait été stupide qu'ils découvrent leur destination alors qu'ils étaient si proches du but. Ni père, ni mère en vue, cap vers le bateau à destination de Maïlys !

Le jeune adolescent chercha sa soeur des yeux. Elle avait bien évidemment pris de l'avance : il était beaucoup trop lent pour elle. Il se hâta en trottinant légèrement vers l'embarcadère vide de monde. Ceci n'était pas très étonnant, la destination faisait peur à quasiment tout le monde. Mais pas à sa soeur, bien entendu. Axelle n'avait peur de rien, ni de personne. Tout ce qu'elle voyait, c'était les aventures qui l'attendaient.

D'ailleurs, elle n'était toujours pas visible. Le jeune garçon marmonna.

- Bon sang, Axelle, ne m'abandonne pas déjà...

Il jeta un regard rapide à sa montre. En théorie, le bateau quitterait le port d'ici une vingtaine de minutes. Il devait absolument retrouver sa jumelle et embarquer d'ici là. Sans elle, il était coincé au port : c'était elle qui s'était chargée de récupérer les billets.

Et pas de billet, pas de bateau. Pas de bateau, pas de voyage. Pas de voyage, pas d'aventures dangereuses. Pas d'aventures dangereuses... pas d'aventures dangereuses.

Il soupira mentalement. Après tout, c'était peut-être mieux pour lui... Non, il repoussa cette idée. C'était lui le garçon, il devait être courageux et protéger sa soeur, pas l'inverse. Il ne l'abandonnerait pas, quoi qu'elle dise !

Enfin... si elle ne l'abandonnait pas d'abord.

Une main se posa sur son épaule et Louis sursauta en criant.

Axelle était aux anges.
Après les innombrables et interminables adieux de ses parents (surtour de sa mère, d'ailleurs, son père avait l'air plutôt content - quoique inquiet - qu'ils prennent le large pour voler de leurs propres ailes), ils s'étaient enfin mis en route, son frère et elle. Louis marchait à son rythme, mais l'attendre n'aurait fait qu'énerver la jeune fille : elle bouillonnait littéralement d'énergie. Elle s'était d'abord mise à marcher à grandes enjambées, laissant Louis prendre son temps comme il l'entendait, puis dès qu'elle avait été hors de vue, elle s'était précipitée et avait couru comme une dératée pendant près d'une dizaine de minutes. Elle s'était alors arrêtée au bord du chemin, essouflée, enfin vidée de ce surplus d'énergie, et avait attendu que le frangin la rejoigne une petite demi-heure plus tard.
Elle n'avait pas mis longtemps à le distancer à nouveau : ils s'étaient donné rendez-vous sur le port, devant l'embarcadère, à une demi-heure du départ. Elle avait récupéré une partie de l'argent confié à son frère pour acheter son billet : ils devraient vivre chichement au début, mais après quelques combats Pokémon gagnés, ils mèneraient la belle vie.

Quoi qu'il en soit, elle était arrivée au port avec une bonne demi-heure d'avance sur leur rendez-vous. Louis suivrait, il n'allait pas prendre le risque de rester sur le plancher des vaches, et la prochaine navette était dans une semaine. Elle ne s'était pas posé la question, mais maintenant qu'elle y pensait, elle se souvenait que les ferries pour Maïlys partaient beaucoup plus souvent, avant. Elle haussa mentalement les épaules : elle aurait tout le loisir de découvrir la raison de cette baisse de régime pendant la traversée.

Maintenant qu'elle était arrivée sur les quais, elle observa les alentours. Elle connaissait Port-Tempères par coeur, depuis le temps que ses parents les y emmenaient faire des commissions ou déjeuner par beau temps. Elle et son frère avaient déjà fait une sortie scolaire sur le port, sensée leur expliquer l'histoire, les guerres, et la position stratégique d'un tel port sur le pays, mais cela ne l'avait guère intéressée. Ce qui lui avait plu, à elle, c'étaient les bateaux. Son regard s'était perdu parmi les mâts effilés des navires à quai, et elle avait rêvé d'aventures sur la mer, de pays à découvrir, de conquêtes et de trésors enfouis.
Elle secoua la tête. Tant qu'elle était là, autant prendre les billets de ferry. Elle se dirigea rapidement vers le comptoir principal, qui la redirigea vers un bâtiment plus petit, dédié à Maïlys.

- Bonjour, deux billets aller simple pour Maïlys, s'il vous plaît.

La bonne femme au comptoir la toisa sans ménagement, et répondit d'une voix aigre :

- Port Lieucca ou Port Sableye ?
- Port Lieucca., répondit-elle sans une once d'hésitation.

L'employée pianota sur son appareil derrière le comptoir, et après une pause, elle demanda :

- Ca fera cinq cent douze PokéDollars. Puis-je vous demander une carte d'identité, mademoiselle ?

Axelle sortit de sa poche sa Carte de Dresseur et la monnaie demandée. La guichetière examina la carte, avant de reporter son regard sur elle :

- J'aurai besoin d'une autorisation parentale, vous êtes mineure.
- Bien sûr, tenez.

Lorsqu'elle sortit le document soigneusement plié de sa poche, la guichetière sembla se détendre. Elle lut le document, je soussigné, blablabla, autorise mes enfants Axelle et Louis Dégers, blablabla, pour faire valoir ce que de droit, blablabla. Elle lui rendit le papier et la Carte de Dresseur avec un sourire, empocha les quelques billets, et rendit trois pièces à Axelle.

- Le départ se fera à quinze heures précises, au quai 12, soit celui-ci. Présentez billets, carte d'identité et autorisation parentale pour embarquer. Bon voyage, jeune fille !
- Merci, bonne journée !

En réprimant un sourire victorieux, Axelle s'éloigna tranquillement. L'autorisation parentale était évidemment fausse, elle s'était suffisamment entraînée à imiter la signature de ses parents pour qu'elle soit absolument parfaite. Du coup, elle avait un bon paquet de temps libre avant de devoir retrouver son frère. Elle décida de flâner sur le port par cette chaude journée d'été. Son sac à doc lui pesait, et ses PokéBall gigotaient : Mocheté et Rocaille mouraient sûrement d'envie de prendre un peu l'air.

Après quelques minutes de recherches, elle s'arrêta dans un café d'une grande chaîne Unysienne non loin du port et commanda une boisson au lait et à la vanille, et un jus d'Oran. En terrasse, elle s'affala dans sa chaise et balança ses trois PokéBalls en l'air. Aussitôt, Mocheté bondit sur la table avec légèreté et s'appropria le jus d'Oran, tandis que Rocaille se lovait sur ses genoux en écrasant délicatement tout ce qui passait sous ses poings. Rocket, quand à lui, observait avec attention le jus de fruit, en essayant d'amadouer Mocheté avec ses yeux de Caninos battu.
Axelle sourit. Mocheté n'allait sûrement pas lui donner quoi que ce soit s'il ne lui prouvait pas qu'il le méritait, et ni la flatterie ni la pitié ne marchaient avec elle. Seule comptait la force. Alors que Rocket s'approchait doucement du verre de jus, Mocheté fronça les sourcils et lui colla un coup de fleur entre les deux yeux. Mécontent, Rocket recula tandis que la Floette sirotait tranquillement son jus de façon ostentatoire. Mais dès qu'elle détourna le regard, le petit Hypotrempe balança un gros nuage de Brouillard sur la fée, qui émit un cri de protestation, avant de se jeter hors du nuage en toussant.

Axelle recula un peu sa chaise, redoutant que les deux Pokémon se mettent à se mettre sur la figure. Dans son mouvement, elle heurta la jambe d'un type qui passait par là et qui jura. Elle se retourna, et constata avec embarras qu'elle avait fait trébucher l'homme, qui avait du café renversé partout sur son débardeur.

- Euh, désolée...
- Sérieux ?? Putain, tu peux pas faire gaffe, bordel ?
- Oh, ça va, j'ai dit désolée là.

Elle avait marmonné en se retournant, estimant qu'elle ne pouvait rien pour le type énervé. Il allait partir en râlant, comme font les gens. Rocket et Mocheté se mettaient déjà sur la gueule, et elle attrapa la Floette par le crâne pour la calmer un peu.

Le gars pas content fit exactement la même chose avec Axelle. Il l'attrapa par l'arrière de sa chemise et la força à se lever. Elle l'observa avec des yeux ronds de colère, tandis qu'il exigeait réparation ou on-ne-savait-quoi. Elle coupa court aux engueulades du gars :

- Ecoute, mec, je suis désolée pour ton marcel, mais bah j'y peux rien, t'as buté dans ma chaise, c'est pas de ma faute, ok ?
- Quoi ?! Attends, tu sais c'est quelle marque ça ?? C'est du Nikke, bordel, alors oui tu vas me le rembourser !
- Et pourquoi ? Ta maman voudra pas te faire la lessive si tu t'es sali, c'est ça ?

A la seconde où elle avait prononcé cette phrase, elle savait qu'elle avait été trop loin. Le type vira au cramoisi, et s'avança vers elle pour la choper au col et lui envoyer son poing dans la figure.

C'était sans compter sur Rocaille, qui s'interposa. Alors que le gars avait saisi le col d'Axelle, la Racaillou lui sauta dessus et lui atterrit au creux de l'estomac. Sous le choc, le type lâcha Axelle. Elle regarda autour d'elle : des gens commençaient à montrer l'affrontement du doigt, et bientôt, un attroupement se formerait. Elle prit rapidement sa décision : elle enfila d'un bras son sac à dos, rappela Rocket et Mocheté de l'autre main, attrapa le jus d'orange à moitié terminé et prit la poudre d'escampette. Elle laissa à Rocaille le temps de coller un dernier coup de poing dans la poitrine du type avant de la rappeler, pour lui laisser le temps de courir un peu.

Elle n'avait pas regardé l'heure, mais pria de toutes ses forces pour que son frère soit là. Au moment où elle tournait à l'angle du quai 12, elle faillit crier de joie. Il était là, à regarder autour de lui comme un enfant perdu. En trois bond, elle fut à ses côtés, et lui plaqua une main sur l'épaule. Il bondit de trente centimètres en poussant un cri aigu, et elle lui fit un grand sourire. Un cri retentit alors derrière elle, et elle attrapa les épaules du frangin et le poussa vers l'embarquement en disant :

- Faut qu'on y aille faut qu'on y aille faut qu'on y aille !!! Je t'expliquerai, grouille grouille grouille !!!

Toujours en poussant son frère, elle bondit vers l'embarcadère et tendit billets, Carte de Dresseur et autorisation parentale à l'employé chargé de les contrôler. Elle se retourna : le type au café hurlait en la montrant du doigt. Derrière lui, deux autres gars avaient l'air aussi peu content que lui. L'employé sembla prendre une éternité à contrôler les billets et les Cartes, mais lorsqu'il les laissa passer, elle se rua sur la passerelle et embarqua sur le ferry.

Les trois types étaient arrivés au contrôleur, et vociféraient en pointant dans sa direction. Impassible, l'employé laissait la barrière fermée. Elle éclata de rire en voyant la tête énervée du mec tout rouge au marcel dégueulasse, et se retourna vers son frère. Elle lui tendit le verre de jus d'orange, et avec un grand sourire, lui dit :

- Tiens, je t'ai pris un jus, t'en veux ?

C'était Axelle. Répondant à son petit cri avec son sourire de Sharpedo, l'adolescente avait la tête de quelqu'un ayant fait une grosse bêtise. D'ailleurs, la façon dont elle poussait Louis le prouvait. Celui-ci avança aussi vite qu'il le pouvait, tout en tentant de jeter un coup d'oeil derrière. Quand il vit les personnes que sa soeur avait provoquées, il devint blanc.

- Bon sang, Axelle ! On-

Pas le temps de finir sa phrase, ils embarquaient, et la face inquiète d'Axelle le dissuada de faire la moindre remarque, pour l'instant. Au moins, elle avait tout fait bien : il n'avait plus qu'à tendre sa carte de dresseur flambante neuve pour voir le chemin s'ouvrir devant lui et pouvoir traverser la passerelle qui menait jusqu'au ferry. Une fois en sécurité, Louis souffla un peu : les bêtises de sa soeur le mettait en danger, et pour l'instant, ses Pokémons étaient loin d'être assez puissant pour le protéger. Axelle, elle, semblait savourer sa victoire. Elle nargait violemment les trois hommes, leur éclatant de rire au nez. Lorsqu'elle proposa un jus d'Oran à son frère, celui-ci pris le verre sans dire un mot avant de lancer son contenu en direction des trois affreux, qui se prirent le contenu restant sur leurs vestes.

- Désolé, je pensais que ça irait bien avec le rouge de vos têtes, mais non, c'est trop clair... Hihi !

Savourant sa bêtise, et se sentant honteux, il traversa le ferry pour aller se réfugier de l'autre côté, loin du regard des autres. Le ferry était quasiment vide. Peu étonnant, la destination n'avait plus rien de paradisiaque et n'attirait plus tant de toursites que ça. A part eux deux et l'équipage, il devait y avoir moins d'une vingtaine d'autres passagers, et la plupart semblaient être des dresseurs aguerris. Deux d'entre eux, aussi appuyés contre la rembarde à tribord semblaient regarder les jumeaux avec un air étonné. Ils ne devaient probablement pas s'attendre à voir des personnes aussi jeunes. Louis haussa les épaules et regarda au loin. C'était probablement la première fois qu'il faisait une aussi grosse bêtise, chose qu'il ne faisait jamais d'habitude, mais là, ils ne risquaient plus rien, et ils ne reverraient probablement (espérons) plus jamais ces hommes. Axelle devait être fière de lui.

Axelle sourit de toutes ses dents en observant la réaction de son frère. Elle soupira intérieurement : elle avait pensé qu'il allait la réprimander ou carrément l'engueuler. Au contraire, il avait suivi son délire, et avait ridiculisé les trois gusses qui vociféraient. Elle ricana et leur décocha un beau bras d'honneur, et suivit son frère qui s'éloignait.

Le bateau était loin d'être plein, malgré l'imminence du départ. Quelques personnes étaient assises sur les bancs et contemplaient la ville, d'autres discutaient entre eux... Personne, semblait-il, de leur âge. Pourtant, quelle belle région que celle de Maïlys pour commencer une aventure de dresseur ! Les plages de sable fin pour commencer dans le Port Lieucca, puis prendre la route de la Forêt et s'aventurer vers Mégapagopolis, la capitale ; passer par la ville aux mille lumières, l'Imaginarium, et y perdre la notion du temps ; puis retrouver le chemin des Plaines pour un long voyage peuplé de combats... Ensuite, visiter les ruines légendaires de la cité antique de Lakit, avant de passer par le Canyon et y affronter des Pokémon plus puissants ; se préparer à la traversée éprouvante du Désert pour aller retrouver Port Sableye et son champion, avant de retourner au centre du croissant de l'île pour passer du chaud au froid en visitant Avalaville et les Hauts Monts, et y affronter des Pokémon plus redoutables les uns que les autres. Et enfin... Gravir la Route Victoire et toutes ses épreuves pour arriver à l'ultime bataille : la Ligue Pokémon. Vaincre le Conseil des 4. Devenir le Maître.

Le bateau se mit soudainement en branle, et Axelle trébucha, en prise à sa rêverie. On aurait presque pu apercevoir les étoiles danser dans ses yeux tant elle était concentrée sur les aventures à venir. Elle secoua la tête, puis se tourna vers son frère. Avec un sourire rêveur, elle lui demanda, les yeux dans le lointain de la mer d'huile :

- Alors, pas trop stressé ?

Elle avait déposé son sac à dos, et le Commandant de bord ferait bientôt une annonce pour attribuer les différentes chambres et couchettes selon le billet de chacun. Elle ne s'en faisait pas pour ça : toute sa vie, depuis sa plus tendre enfance, leurs parents avaient exigé qu'ils partagent la même chambre, Louis et elle. "Pour qu'on ait de la place pour une chambre d'amis", avaient-ils dit au début, puis "comme ça vous aurez en plus une salle de jeux" lorsque la maison avait été agrandie, puis "ici, ça sera le bureau de papa" lorsqu'ils avaient déménagé... En gros, malgré les douze pièces de leur maison, ils avaient toujours leurs deux lits monoplace, d'un côté et de l'autre de leur chambre.

Leur chambre... Ils ne la reverraient pas avant longtemps. Axelle n'avait emmené avec elle qu'un unique souvenir : une petite peluche Hélionceau, sobrement baptisée Simba, à qui il manquait les deux yeux et un morceau de queue. Il était tant de fois passé à la machine à laver que son pelage était rêche, mais c'était pour elle le seul objet qui la rattachait à sa maison. Elle l'avait emporté avec elle, désormais : sa maison était là où elle serait.

Alors que son frère allait répondre, les deux personnes qui les avaient observés plus tôt s'approchèrent d'eux, et l'une d'elles lança :

- Salut, les jeunes, vous êtes Dresseurs ?

Elle se retourna, et détailla le duo: âgés de vingt ou vingt-cinq ans, ils avaient l'air de baroudeurs aguerris. Leurs longs manteaux les protégeaient efficacement du soleil, malgré la chaleur qu'ils devaient porter ; de plus, leurs sacs à dos auraient facilement pu contenir Axelle ET Louis tout entiers. L'un blond et l'autre brun, ils n'avaient pas l'air bien méchant. Elle regarda son frère, et lui laissa le soin de la réponse. Si ça n'avait tenu qu'à elle, elle se serait précipité pour les affronter en combat, mais mieux valait être sage et responsable sans défier le premier venu... Pour ne pas gaspiller le peu d'argent qu'il leur restait, au moins.

Axelle l'avait rejoint et ne fit aucun commentaire sur son acte de bravoure ? folie ? Elle se contenta de lui demander s'il n'était pas trop stressé. Louis nota le terme employé. Stressé. Elle ne lui demandait pas s'il avait peur, mais s'il était stressé. Cela lui fit plaisir, même si c'était ridicule, et qu'elle n'avait probablement pas fait attention à ménager ses sentiments. Il se tourna vers elle, et lui fit son petit sourire timide.

- Si bien sûr. Mais c'est normal, non ? Même toi, tu dois être un peu stressée, je parie !

Louis reposa son regard sur l'immensité aqueuse. Il se demandait déjà quels Pokémons il allait trouver, une fois arrivé, et lesquels ils captureraient. Il repoussa la question : inutile d'y penser, il ne pouvait pas deviner, il verrait bien ce que le destin lui réservait.

Concentré sur le futur, il ne vit pas les deux hommes s'approcher. Il sursauta en les entendant s'adresser à eux. Leur question était simple, mais ils intimidaient l'adolescent. Celui-ci aurait bien laisser la parole à sa jumelle, mais elle se tourna vers lui, lui laissant le soin de répondre. Louis l'insulta mentalement alors qu'il déglutissait et tentait de répondre.

- Euh... Je suppose qu'on peut dire que oui... dit-il en regardant la terre qui s'éloignait lentement d'eux.

Intuitivement, il toucha les trois Pokéballs à sa ceinture. Plus que n'importe quel papier, badge ou titre, c'étaient ses Pokémons qui faisaient son statut de dresseur. Sans eux, il n'était rien.

Lorsque Louis répondit, les deux hommes se regardèrent et hochèrent la tête d'un air entendu avec un grand sourire. Axelle se mit à bouillir intérieurement, et ses sourcils se froncèrent malgré elle. Avant qu'ils n'aient eu le temps de répondre, elle répliqua à la suite de son frère :

- Pourquoi ? Vous voulez combattre ?

Elle croisa les bras en s'adossant nonchalament à la rambarde et joua ostensiblement avec la Pokéball de Mocheté, qui tremblait d'impatience. Elle avait entendu "combattre", tout de suite, ça la surexcitait. Apparemment, elle n'avait pas eu son compte avec Rocket tout à l'heure... Le plus grand des deux les dévisagea longuement, elle puis son frère, et répondit calmement en haussant les épaules :

- On voulait simplement s'assurer qu'on s'adressait bien aux bonnes personnes. On a des Pokémon faibles à entraîner, on s'est dit que des jeunes Dresseurs voudraient peut-être nous aider ?

Sans rien laisser paraître d'autre qu'une flamme au fond de ses prunelles, Axelle réfréna son agacement. Alors ainsi, être jeune signifiait être nul ? Ils allaient voir.

- Oh, alors vous pensez que vu notre âge, on n'est bons qu'à entraîner les petits derniers de vos équipes respectives, c'est ça ?

Ils se dévisagèrent. Axelle était satisfaite de son effet, elle les avait mis mal à l'aise. Elle évita de regarder son frère, et espéra qu'il adoptait la même attitude qu'elle. Les deux gusses semblèrent se concerter du regard, puis l'un d'eux prit une Pokéball, et libéra un monstre.

Axelle, tout à sa désinvolture apparente, n'était pas préparée à ça. Le bateau vacilla sous le poids soudain libéré de la ball du Pokémon imposant, et elle se rattrapa à son frère en trébuchant. Ils se relevèrent tous deux, et contemplèrent l'énorme Pingoléon qui avait fait son apparition sur le pont.

Alors qu'elle bayait aux Cornèbres sans plus rien entendre ni voir que la majestueuse et imposante femelle, deux personnes de l'équipage débarquèrent et la tirèrent de sa béatitude.

- Hé, là, les Pokémon sont interdits sur le pont, surtout de cette taille ! Descendez au second sous-sol, vous pourrez sortir vos Pokémon là bas ! Rappelez-le, s'il vous plaît, pour la sécurité du bateau !

Comme à regret, l'énorme Pingoléon fut happé par une lumière rouge vif, et se dématérialisa dans sa Pokéball. Encore sous le choc, Axelle cligna des yeux, et se retrouva bêtement entre quatre yeux à dévisager les deux hommes qui, soudain, lui paraissaient beaucoup plus intimidants.

Les deux hommes semblaient satisfaits de la réponse de Louis. Bien évidemment, le sang d'Axelle et de Mocheté s'étaient mis à bouillir : elles étaient on ne peut plus motivées à l'idée d'un combat. Ensuite, tout se passa très vite pour le pauvre Louis. Les inconnus proposaient un combat avec des Pokémons faibles, et avant que l'adolescent ait le temps de donner son accord, sa jumelle s'énervait sur les deux pauvres bougres. Ceux-ci semblèrent gênés alors qu'Axelle montrait les crocs. Louis, lui, semblait encore plus perdu que d'habitude. Lorsque l'immense Pingoléon se matérialisa devant eux, Louis resta bouche bée devant la majesté de la créature. C'était décidé : il en voulait un ! Une remontrance de l'équipage le ramena à la réalité. Sa soeur semblait avoir été tout aussi impressionnée que lui, et elle en restait sans voix. Louis décida de prendre les devants, aussi dur que ce soit pour lui.

- Euh, pourquoi pas ! Mais nous n'avons pas beaucoup d'argent... termina-t-il sur un ton hésitant.

Le brun, qui n'avait rien dit jusque-là, prit la parole.

- Ne vous en faites pas, ce n'est pas l'argent qui nous intéresse. Si vous gagnez, nous vous récompensons, sinon, il ne se passe rien. Ca vous va ?

L'autre surenchérit, alors que Louis hésitait.

- C'est normal. Même si nos Pokémons sont faibles, nous avons beaucoup d'expérience en combat, nous avons donc plus de chances de gagner.

Finalement, l'adolescent acquiesça, de son propre chef, avant de se mordre les lèvres et de se tourner vers sa jumelle, attendant sa confirmation. Celle-ci hocha la tête, sans rien dire, probablement encore en état de choc. Les deux Dégers suivirent les deux inconnus jusque dans les profondeurs du bâteau, dans une zone réservée aux combats. Dans cette salle, rien ne pouvait arriver, même une Explosion ne pourrait pas endommager le navire.[/i]

- Deux contre deux, en combien de manches ?

Axelle ne broncha pas lorsque son frère lui demanda tacitement son avis sur le combat, et elle ne broncha pas non plus lorsque les deux hommes les guidèrent jusqu'au terrain de combat. La scène avec le Pingoléon avait attiré plusieurs curieux, et certains les suivirent ; heureusement, ils étaient peu nombreux.
La salle était vaste et capitonnée : aucune attaque de Pokémon ne devait endommager le bateau. A l'entrée, sur les grandes portes battantes, étaient imprimé les mots "PAS DE POKEMON AU-DESSUS DU NIVEAU 50. MERCI DE VOTRE COMPREHENSION". Axelle frissonna, et préféra ne pas penser à l'incident qui les avait poussés à placarder cette note. Elle regarda autour d'elle : l'espace était partagé en plusieurs terrains qui respectaient les dimensions règlementaires des arènes Pokémon. Quelques gradins, ou plutôt une poignée de chaises posées autour de la salle, servaient pour des arbitres ou des spectateurs potentiels.

- Deux contre deux, en combien de manches ?
- Trois manches.

Ils serrèrent la main de leurs adversaires, et se placèrent du côté rouge. Axelle observa son frère un moment, avant de se reporter sur le choix du Pokémon qu'elle allait envoyer. Elle aurait voulu que les deux hommes envoient les leurs en premier, mais elle n'aurait pas toujours le choix. Le visage fermé, elle décida de garder son meilleur atout pour la fin, et passa sa main sur la ball de Mocheté pour la faire patienter.

Elle savait très bien quelle valeur sûre envoyer en premier pour ouvrir le bal, surtout s'ils combattaient en deux contre deux : Louis connaissait le Pokémon presque aussi bien que le sien. La Ball s'éleva dans les airs, et explosa en lumière rouge en révélant Rocaille, sa fidèle Racaillou.

Elle croisa les bras tandis que la boule de roc lui faisait les yeux doux pour avoir un câlin. En fronçant les sourcils, elle lui fit un signe de tête pour lui faire comprendre que ça n'était pas le moment. Le Pokémon fit la moue, mais fit face à ses adversaire ; du moins, elle attendit qu'ils envoient un Pokémon. Axelle se demanda qui Louis allait choisir pour le tout premier combat de leur voyage.

La réponse d'Axelle provoqua une certaine agitation chez le brun à queue de cheval. Il se tourna vers son ami et discuta avec lui à voix basse pendant quelques instants avant de se retourner vers les jumeaux en hochant la tête. Quoi qu'il se soit passé, ils semblaient prêts.

Louis passa la main sur sa ceinture de Pokéball, tout en sentant l'excitation monter en lui. Son premier combat de dresseur allait débuter. C'était l'occasion de prouver qu'il n'était pas si faible que ça, grâce à ses Pokémons. Sans réfléchir davantage, il saisit la Pokéball d'Épinie et libéra la Minidraco sur le terrain. Aussitôt libérée, celle-ci alla s'entortiller autour de la jambe droite de son dresseur.

- Non, Épinie, ce n'est pas le moment ! Tu dois combattre là ! dit-il d'une voix qui se voulait forte, mais sans grand succès.

Néanmoins, le dragon finit par se décrocher et serpenta jusqu'au terrain, à côté de Rocaille, libérée par Axelle.

Le blond attrapa une Pokéball et sa ceinture, tandis que l'homme au catogan la sortait de l'intérieur de son manteau. Ils libérèrent respectivement un Tic et un Grelaçon. Louis grimaça : vu les adversaires, Épinie était un très mauvais choix. Malheureusement, il était trop tard pour reculer : le blond frappa dans ses mains.

Et l'affrontement commença.

- Épinie, fais une Cage-Éclair sur le Grelaçon ! Il faut s'en débarrasser au plus vite !
- Twak, Armure.
- Tic, Force-poigne sur Minidraco.

Les ordres avaient été lancés en même temps, dans une véritable cacophonie. Louis fut impressionné par la concision de leurs adversaires : nul doute qu'ils étaient encore plus expérimentés que ce que les jumeaux avaient cru. Le combat promettait d'être rude.

Axelle serra les mâchoires en entendant les ordres de ses adversaires. Le Grelaçon allait devenir plus résistant, tandis que le Tic visait directement le Pokémon de son frère. Très bien, ils allaient voir.
Ils avaient l'avantage de la vitesse, surtout Louis en fait : son Minidraco, souple et agile, n'aurait aucun mal à esquiver les attaques lentes d'un Tic et d'un Grelaçon. Le problème, c'est qu'il ne leur ferait pas non plus beaucoup de dégâts : c'était là qu'intervenait Rocaille. Axelle n'attendit pas que le Tic se soit rapproché pour lancer :

- Rocaille, Poliroche, et Roulade sur Grelaçon !

Ne pas laisser à l'adversaire le temps de se resaisir. La Poliroche ferait foncer le Racaillou comme un bolide, aucune chance pour un pauvre Grelaçon alourdi d'une armure de l'esquiver. S'il voulait s'en échapper, il faudrait que le Tic s'interpose, et cela laisserait la voie libre aux attaques de statut d'Epinie.

Elle sourit. Mettre des bâtons dans les roues de ses adversaires, c'était ça qu'elle aimait en combat. Sans broncher, elle regarda une Rocaille toute lisse foncer en roulant vers son adversaire.

Axelle alla dans le sens de Louis en demandant à Rocaille d'attaquer le Grelaçon. Les deux adversaires se concertèrent du regard et échangèrent deux mots rapidement. Le Pokémon Glace ne tenta pas d'esquiver la Racaillou : il se prit l'attaque de plein fouet, et le Tic ne tenta même pas d'intervenir et se contenta de continuer sa mission. Occupée à paralyser le Grelaçon, Épinie ne fut pas en mesure de se soustraire à l'attaque du Tic. Celui-ci la bloqua entre ses deux rouages, qu'il fit tourner, tentant de broyer au maximum le corps du dragon. Celle-ci cria de douleur et Louis serra les dents et sentit ses yeux se remplir de larmes : c'était la dure réalité des combats.

Lorsque la Minidraco réussit à se libérer, le jeune dresseur secoua la tête, chassant l'eau de ses yeux : il ne devait pas se laisser affecter par ça, il devait rester conscient que ce qui lui paraissait atrocement douloureux était largement supportable pour eux.

Les nouveaux ordres commencèrent à fuser.

- Épinie, une nouvelle Cage-Éclair sur le Tic, s'il te plait !
- Twak, Vent Glace. Essaye de toucher les deux.
- Chargeur.

Louis avait une chose en tête : protéger son Pokémon. Accessoirement, en paralysant le Tic, il ouvrait la voie pour Axelle et Rocaille. Le dresseur au catogan, lui, voulait faire mal : son ordre était clair, mais difficile à réaliser, du fait de la position de Rocaille, qui pouvait encaisser toute la puissance de l'attaque. Et enfin, le blond semblait préparer une grosse attaque.

Regardant la zone de combat, Louis se tordait les mains dans tous les sens sans même s'en rendre compte.

Lorsqu'elle entendit l'ordre de son frère, Axelle tiqua. Elle se retourna vers lui, et lui chuchota furieusement :

- Mais qu'est-ce que tu fous ?? Tu peux pas le paralyser, c'est un Pokémon Electrique !

Elle secoua la tête et reporta son attention sur le combat. Le brun avait ordonné à son Pokémon de lancer un Vent Glace pour toucher les deux adversaires : il n'allait pas réussir du tout. Rocaille, avec sa vitesse améliorée, roulait à toute allure : elle avait déjà réussi à frapper le Grelaçon à l'aller, elle le déstabiliserait au retour.

Le Pokémon se tourna vers le Minidraco concentré, et gonfla les joues pour préparer son attaque. Au dernier moment, Axelle lança :

- Maintenant, Rocaille !

Alors que le Vent Glace jaillissait de la gueule du Grelaçon, la Racaillou fonça à toute allure sur lui, sans lui laisser le temps de tourner la tête pour les toucher tous les deux. Elle le bouscula de toute sa vitesse, assez fort pour que le petit Pokémon interrompe son attaque et heurte le sol avec violence. Axelle serra les dents. Son timing n'avait pas été parfait, l'attaque avait tout de même commencé à toucher Epinie, qui était désormais bien amochée. Elle pinça les lèvres : son attaque Roulade ne pourrait pas s'arrêter avant d'être terminée... Ou interrompue. Epinie devrait se débrouiller jusque là.

Elle jeta un regard inquiet à son frère, qui tortillait ses mains dans tous les sens, et se rendit compte que les siennes étaient tellement serrées en poings que ses phalanges blanchissaient. Elle respira un coup et tenta de se détendre, en attendant la suite des événements.

Axelle avait engueulé Louis du fait de son ordre. Le garçon allait répondre qu'il avait raison et que le Tic n'avait pas le type Électrique, mais la remarque de sa jumelle le fit douter et il préféra garder le silence en baissant la tête.

Alors que le Tic se renforçait, le Grelaçon crachait ses poumons en direction du Minidraco. Le souffle glacé l'atteignit, et Épinie cria une nouvelle fois. C'était une attaque super efficace, qui, même si elle avait été interrompue par la Roulade de Rocaille, avait fait de gros dommages. A ce rythme là, le dragon ne tiendrait plus très longtemps, il était temps d'envoyer des dommages.

- Épinie, Ouragan !
- Twak, Poudreuse Minidraco.
- Éclair, Minidraco.

Voilà que les deux adversaires semblaient décider à en terminer avec son Pokémon. Déjà, Louis préparait sa Pokéball pour rappeler la Minidraco et la mettre en sécurité. Mais, fort heureusement, un sursaut frappa le Grelaçon : la paralysie l'avait empêché de frapper.
L'Éclair toucha, mais il n'était pas tout à faire suffisant pour vaincre Épinie, qui fit souffler les vents à son tour - mais des vents draconniques cette fois-ci.

Le combat se déroulait plutôt bien, jusqu'à présent. Louis gérait Epinie de son côté, la laissant encaisser les coups plus ou moins meurtriers. Axelle savait que ça lui demandait un grand effort de ne pas se précipiter sur son Pokémon pour le prendre dans ses bras et le cajoler, mais il prenait sur lui, et elle lui en était gré. Pas question de se ridiculiser contre les deux premiers Dresseurs de leur premier combat Pokémon de leur vie de Dresseurs libres !

Du côté de Rocaille, elle venait à bout du Grelaçon. Celui-ci avait réussi à cracher ses particules de glace, mais avait été renversé par la Roulade, et peinait à se relever. Axelle regarda tranquillement son Pokémon revenir une fois de plus vers le glaçon immobilisé par sa paralysie, qui heurta douloureusement le sol. Son Dresseur le rappela sans un mot et croisa les bras, observant les deux jeunes gens et son collègue.

Ils étaient à un contre deux, maintenant. Epinie était amochée, mais Rocaille en pleine forme. La petite Minidraco cracha son souffle corrosif en direction du Tic, qui... l'absorba, sans rien ressentir apparemment. Damn, la Minidraco n'avait aucune attaque efficace contre ce genre d'ennemi ! Heureusement, Rocaille allait arriver à la rescousse.

- Allez la grosse, reviens vers le Tic !

Occupé à électrocuter la pauvre Epinie qui répliquait tant bien que mal de son souffle, le morceau de métal n'avait aucune chance. Rocaille avait accumulé de la vitesse, énormément de vitesse, et c'est de toute cette vitesse qu'elle percuta le petit engrenage, malgré le cri de son Dresseur qu'Axelle n'écouta pas. Elle ne vit que le Pokémon Acier arrêter son attaque, et valdinguer un peu plus loin.

Rocaille poussa un cri de contentement, et Axelle décida d'en finir.

- Positionne toi devant Epinie pour la protéger, puis fonce dans le tas !!

Elle avait crié, galvanisée par la fureur du combat. Son Pokémon roula autour de la Minidraco, alerte, pour intercepter la prochaine attaque.

Attaque qui ne vint pas. Le Tic restait là, sans bouger, sans crier, juste sur le sol. On aurait dit qu'il était en court-circuit. Etait-ce un piège ? Indécise, Axelle porta son regard sur Rocaille, puis le Tic, puis Rocaille... qui en eut marre d'attendre. Elle bondit en un rugissement, et s'écrasa sur le Tic qui fit un petit bruit genre "cling !", et ce fut tout.

Axelle fronça les sourcils, confuse. Pourquoi n'avait-il pas attaqué ? Elle avait pourtant entendu son Dresseur donner un ordre, qu'elle avait oublié d'écouter, certes, mais tout de même. Il rappela son Pokémon. La jeune fille fit de même, après un gros câlin à Rocaille qui était trop contente d'avoir carry ce combat. Elle regarda alors son frère, attendant de voir s'il voulait établir une tactique pour le prochain combat. Le cas échéant, elle enverrai Rocket.

Pendant que le Dragon subissait tous les coups, la Racaillou s'occupait de faire le ménage. Toujours en pleine Roulade, elle tournait à toute vitesse et percutait ses adversaires un à un. Louis croyait se souvenir que cette technique devenait de plus en plus puissante au fil du temps, mais il n'en était pas certain : c'était le Pokémon de sa soeur, pas le sien.

Le premier à tomber fut le Grelaçon, avant qu'il ne puisse envoyer une dernière attaque Glace sur Épinie. Devant ce haut fait, le jeune garçon poussa un petit cri victorieux, qu'il ravala rapidement : encore une fois, c'était Axelle qui faisait tout, il se contentait tout juste d'occuper les Pokémons adverses. Il baissa la tête, un peu honteux. Quoi qu'il arrive, il se reposait encore et toujours sur les épaules de sa jumelle.

Et ceci fut prouvé une fois de plus quand elle envoya le Tic au tapis, d'une seule attaque, après avoir voulu protéger le dragon. Néanmoins, c'était étrange : le Pokémon rouage n'avait pas bougé, alors qu'il pouvait facilement vaincre la Minidraco.

- Bien joué ! Bonne combinaison !
- Les Cage-éclair ont été très utiles. Vous avez bien travaillé ensemble.

Les Cage-éclair ? Cela voulait dire que les deux avaient fonctionné, et donc que le Tic en avait été victime à la fin ! La révélation et les compliments du duo d'étranger ramena le sourire sur le visage du jeune ado. Il n'avait pas été si inutile, au final !

Galvanisé, il attrapa la Pokéball de Spic et se prépara à libérer le Funécire lorsque le signal serait donné. De leur côté, les deux adversaires avaient encore une fois échangé à voix basse avant de se mettre en position.

- Prêts ?

Lorsque l'accord fut donné, tous lancèrent leurs Pokéballs sur le terrain. Cette fois-ci, les deux adultes avaient opté pour un Monorpale et un Insécateur. Le choix de Louis était enfin payant ! Il allait pouvoir montrer de quoi il était capable et briller devant les yeux de sa soeur.

Axelle pinça les lèvres et détourna le regard lorsque le brun parla des Cage-Eclair, pour ne pas qu'il voie qu'elle piquait un fard. Elle avait engueulé Louis pour les avoir faites, et maintenant elles avaient aidé à déterminer l'issue du combat... Et le compliment du Dresseur expérimenté allait directement à lui ! Ils devaient la prendre pour une imbécile.

Mais elle était une imbécile, et méritait ce reproche. Dans le même mouvement que Louis, elle dégaina sa Pokéball suivante et la lança : les quatre balles explosèrent au même moment, aveuglant les Dresseurs. Lorsque leur éclat se tarit, elle put constater deux choses. La première, c'était que le prochain combat allait être beaucoup plus offensif que le précédent, vu les deux Pokémon qu'avaient envoyé les adversaires. La seconde, c'était que Louis avait fait un excellent choix pour son Pokémon. Elle, en revanche, n'avait pas de clair avantage face à cette équipe. Rocket, petit Hypotrempe de son état, aurait du mal à percer les défenses solides du Monorpale. Ca aurait pu être pire, elle aurait pu avoir envoyé Mocheté ; mais sa Pokéball s'agitait tellement qu'Axelle éprouvait un petit plaisir à la laisser poireauter. Ca lui apprendrait la patience...

Les premiers ordres fusèrent tous en même temps, si bien que la Dresseuse n'entendit pas celui de son frère dans l'éclat de voix :

- Pistolet à O !
- Danse-Lames !
- Groz'Yeux, sur Hypotrempe !

Comme elle l'avait prévu - et elle s'en sentit très fière - les deux adversaires allaient frapper vite et fort. Le Monorpale se mit à remuer, en une danse très particulière qui le rendirent plus tranchant ; l'Insécateur quant à lui regarda Rocket d'un mauvais oeil, et le petit Hypotrempe se recroquevilla sur lui-même, apeuré. Axelle l'encouragea d'un cri, et il parvint finalement à se redresser et à cracher un jet d'eau vive sur le gros insecte. Celui-ci, occupé à concentrer ses mauvaises pensées dans son regard, ne l'esquiva qu'à la dernière seconde : il fut touché à l'épaule par le crachat précis.

- Bravo, Rocket ! Continue comme ça !

Il se redressa, rassuré par les paroles de sa Dresseuses, et prépara un second jet d'eau.

Louis ne remarqua pas la réaction de sa soeur. Et si elle se sentait mal de l'avoir engueulé alors qu'il avait raison, lui ne lui en voulait pas du tout : ils étaient débutants, et ils étaient loin de tout savoir. Après la remarque d'Axelle, il avait également cru s'être trompé. Un jour ce serait l'inverse, ce n'était donc pas grave. L'important était de ne se laisser déstabiliser.

Le garçon attendit avant de donner son ordre, un peu perdu. Il devait aller à l'offensive, mais il ne savait pas sur qui concentrer ses efforts. L'attente finit par l'aider : en entendant les ordres de leurs deux adversaires, il comprit les grandes lignes de leur stratégie : l'Insécateur allait rester en soutien pendant que le Monorpale partirait au contact. Il était donc très important de le neutraliser en premier.

- Danse-flamme sur le Monorpale, Spic ! s'écria l'adolescent avant un temps de retard sur le groupe.
La flamme partit directement en direction du Pokémon acier, avant de l'entourer. Il ne serait pas gêné, mais il souffrirait le temps qu'elle disparaisse.

L'attaque lancée par son frère toucha le Monorpale en même temps que le Pistolet à O frappait l'Insécateur. Celui-ci s'ébroua, et son Dresseur répliqua rapidement :

Poursuite, sur Funécire.

Axelle se raidit. Poursuite était une attaque Ténèbres, et serait très efficace contre le Pokémon de son frère ! Elle se tourna vers lui pour le prévenir, mais l'autre Dresseur lui coupa la parole en annonçant d'une voix forte :

Charge l'Hypotrempe.

Plus le temps de prévenir Louis, il se débrouillerait tout seul. Pour l'instant, son Pokémon était en danger : après la Danse-Lame du Monorpale et le Groz'Yeux, Rocket était plus que vulnérable à son attaque. Sans trop réfléchir, Axelle cria :

Utilise Brouillard pour t'enfuir !!

Rocket, paniqué, crachota une petite flaque d'encre, avant de se ressaisir et d'expulser un épais brouillard très noir qui flotta dans les airs tout autour de lui. Axelle ne s'en faisait pas : il était capable de se repérer dans cette purée de pois, et esquiverait à coup sûr le coup.

Lorsqu'elle entendit un cri de douleur, son coeur se serra, et elle crut qu'il allait tout simplement s'arrêter lorsque Rocket fut expulsé du Brouillard, durement touché. Elle se mordit la lèvre. Qu'avait-elle fait de mal ? Le Monorpale se dressait tranquillement devant elle, le Brouillard retombant doucement autour de lui, et une gangue de flammes dansant sur son corps métallique. Axelle croisa le regard de son Dresseur et fut persuadée qu'il avait un atout dans sa manche... Atout qu'elle ne connaissait pas. Il fallait se ressaisir, quitte à changer de tactique. Elle se retint de courir au secours de son Pokémon qui se redressait tant bien que mal, et lui dit doucement :

Courage, Rocket, tu peux y arriver. Recule et utilise encore une fois Pistolet à O sur Insécateur.

Avec un peu de chance, le Pokémon adverse tomberait à court de forces avant Rocket, et Spic pourrait voler à la rescousse de Rocket, déjà mal en point.

Louis vit qu'Axelle était dans une posture délicate : son adversaire avait foncé pour infliger le plus de dommages possible, probablement afin de déséquilibrer le combat et de vaincre le Funécire sans lui laisser une seule chance.

Pour le jeune adolescent, c'était clair : il devait aider sa jumelle avant qu'il ne soit trop tard. Mais comment ? Lui même était également victime d'une attaque, et efficace. Il ne savait pas ce que faisait vraiment Poursuite, mais le nom laissait présager que courir ne servait à rien. Autant essayer autre chose.

- Purédpois, cache-toi ! s'écria-t-il.

Le spectre obtempéra le plus rapidement possible, mais pas assez vite pour éviter de se faire frapper par son adversaire. L'important était qu'il était désormais camouflé et donc protégé d'une nouvelle attaque. Avec cette position, Louis voulait en profiter pour aider l'Hypotrempe de sa jumelle.

- Flammèche sur le Monorpale !
L'attaque ferait mal, c'était certain. Mais, Louis n'avait pas pensé à une chose : l’interaction entre la purédpois et les flammes. Qu'allait-il se passer ? Les flammes allaient-elles traverser la zone sans encombre, ou bien allaient-elles provoquer un embrasement spontané de la zone ?

Axelle ne put qu'observer la catastrophe qui arrivait. Tandis que Rocket se relevait péniblement de l'assaut surpuissant du Monorpale, son frère avait tenté un mouvement offensif pour le protéger.

Une Purédepois lancée en défense, suivie d'un ordre de Flammèche... Axelle eut un fulgurant éclair de compréhension, et hurla :

- Brouillard !!

Sans réfléchir, Rocket envoya de toutes ses forces sa dernière rafale de Brouillard dans la figure (toute relative) du Monorpale, tandis que le Funécire de Louis envoyait ses flammes en direction du Pokémon Acier.

Et tout explosa. Bon, ça n'était pas vraiment une explosion à proprement parler, plutôt une bonne grosse déflagration dont l'onde de choc propulsa Rocket directement hors du terrain. Les flammes se propagèrent, enflammant le Brouillard et la Purédepois comme les puissants inflammables qu'ils étaient, carbonisant ainsi au passage les sourcils d'Axelle, restée un peu trop près du terrain. Elle recula précipitamment en jurant : est-ce que Louis avait vraiment prévu le coup, après tout ? Avait-elle réellement ressenti cette impulsion mentale qui lui avait soufflé que cette explosion était préméditée, et qu'elle devait en profiter ?

Elle oublia toutes ces questions sans réponses en moins d'une seconde, et se précipita pour soigner son Pokémon blessé et hors-combat. Elle le prit dans ses bras, mais il gémit de douleur : paniquée, elle ne put que le rappeler dans sa Pokéball, et ainsi déclarer forfait pour cette manche.

Quoique... La partie n'était pas perdue. La déflagration, extrêmement puissante, avait mis à mal les deux adversaires : le Monorpale gisait au sol, déjà affaibli auparavant par la Danse-Flammes de Funécire. L'Insécateur, quant à lui, se relevait difficilement : Axelle réalisa que les Pistolet à O l'avaient sûrement un peu ignifugé. Restait le Funécire de son frère, qui n'avait encaissé qu'une seule attaque, et qui avait l'air prêt à en découdre. La jeune fille se tourna vers son jumeau, et ne put s'empêcher de lui lancer :

- Vas-y, achève-le ! Tu as presque gagné !

A l'instant même où Louis ordonna la Flammèche, il se rendit compte du potentiel inflammable de son ordre. Le jeune garçon ouvrit de grands yeux devant cette réalité. Il voulu prévenir Axelle de faire attention, de tenter d'en profiter, de se protéger, bref, il tenta de parler, mais n'y parvint pas. Malgré tout, sa jumelle, comme mue par la télépathie, ordonna à son Pokémon de libérer encore plus de gaz.

Et tout le terrain prit feu. Louis recula précipitamment, le bras devant la figure pour se protéger, tandis que sa soeur, moins rapide, se fit caresser agressivement le visage pour le souffle de flammes. L'état des Pokémons était varié : Spic se tenait droit et fier, potentiellement heureux, tandis que l'Insécateur pennait à se relever. Quant au Monorpale et à l'Hypotrempe d'Axelle, ils étaient hors combat. Ce dernier semblait d'ailleurs mal en point, vu l'expression inquiète de sa dresseuse. Soudainement, Louis se sentit mal et coupable : il était responsable de la blessure de Rocket. Il avança d'un pas vers sa soeur et son Pokémon, avant de jeter un coup d'oeil sur le terrain : malgré tout ça, il était encore en combat. Déchiré, son regard passait de Spic à Axelle, incapable de prendre une décision.

L'encouragement de sa soeur le sortit de sa torpeur : ils savaient tous à quoi s'entendre en devenant dresseur, ils étaient conscients qu'il y aurait des blessures. Axelle, par sa simple phrase, lui rappela que ce n'était pas une fatalité.

- Termine le avec une dernière flammèche ! s'écria-t-il.

La flamme partit sans difficulté vers l'insecte qui n'était visiblement pas en état d'encaisser une telle attaque. La preuve étant qu'il fut rappelé par son dresseur avant qu'il n'encaisse les dommages. Louis et Axelle avaient gagné le deuxième round de manière... explosive.

Spic, le Funécire, sembla triste, peut-être parce qu'il n'avait pas eu l'honneur de mettre son adversaire KO, peut être parce qu'il n'avait pas assez souffert. Plutôt la deuxième option, mais Louis n'en avait aucune idée. Après l'avoir rappelé dans sa Pokéball, il se précipita maladroitement aux côtés de sa soeur, touchée par la vague de chaleur.

- Désolé, désolé ! Tu vas bien ? Tu n'as pas trop mal ? la pressa-t-il, inquiet.
Il était peut-être préférable d'arrêter l'affrontement là. Tout dépendait de la réponse de la jeune fille.

[justify]Lorsque le Dresseur à l'Insécateur rappela son Pokémon, Axelle se retint très fort de crier de joie, mais ne put s'empêcher de trépigner sur place en souriant aux anges. Ce n'est que lorsque Louis se précipita vers elle en la pressant de questions d'un air inquiet qu'elle se rendit compte que la vague de chaleur lui avait léché le visage, désormais rouge et brûlé. Elle grimaça en touchant le bout de son nez à vif, et répondit à son frère :

- Aïe... J'avais pas vraiment prévu ça... J'espère qu'on a de la crème hydratante, sinon...

- Ca va, les jeunes ?

Les deux Dresseurs face à eux s'étaient rapprochés, visiblement inquiets de l'état de santé de la jeune fille. Eux n'avaient pas une égratignure, même si leurs manteaux étaient un peu roussis : ils avaient sûrement senti venir la déflagration et s'étaient protégés en conséquence. Mais alors... S'ils l'avaient vu venir, pourquoi ne pas l'avoir contrée ? Aurait-il été possible qu'ils... les laissent gagner ?

Axelle eut soudain un accès de rage. Elle repoussa son frère, gentiment mais fermement, et ouvrit la bouche pour les invectiver.

La douche glaciale qu'elle se prit sur la tête la dissuada immédiatement. Ahurie, elle s'ébroua, toute velléité oubliée, et leva la tête vers les systèmes anti-incendie.

- Qu'est-ce que...
- Mesdames, messieurs. Nous vous rappelons que le terrain d'entraînement n'est pas fait pour supporter des attaques de puissance supérieure à cent. Merci d'évacuer les lieux, nos équipes vont intervenir pour réparer les dommages causés.

Axelle, mortifiée, se tourna vers son frère. Une attaque de puissance supérieure à 100 ! A leur niveau !! C'était impensable. Peut-être avaient-ils fait un coup critique ? Ca devenait possible. Coupant court à ses réflexions, Axelle suivit les deux Dresseurs qui les avaient précédés parmi les quelques personnes qui râlaient de ne plus pouvoir s'entraîner, et tous quatre se retrouvèrent sur le pont inférieur, trempés jusqu'aux os. L'homme aux cheveux noirs, qui n'avait pas l'air gêné le moins du monde par l'eau glacée qui imprégnait ses vêtements, déclara :

- Bon... Dommage pour la fin du combat. C'était intéressant, comme technique. Vous l'avez travaillé ensemble ?

Axelle tourna le regard vers son frère, et haussa les épaules, avant d'éternuer bruyamment. Elle secoua la tête, frigorifiée, et articula malgré ses dents qui claquaient :

- On peut... en discuter plus tard ? J'irais bien... prends une... douche chaude.

Les deux Dresseurs se concertèrent du regard moins d'une seconde, et hochèrent la tête en souriant. Ils leur indiquèrent l'heure du repas - qu'Axelle connaissait déjà, après avoir épluché la brochure du voyage au moins mille fois - et les deux jumeaux se dirigèrent vers leur chambre.

Ou plutôt, leur placard aménagé. Lorsque Louis ouvrit la porte, Axelle se demanda à quoi elle s'attendait, au juste. Deux couchettes superposées prenaient la majorité de l'espace de la pièce, dans laquelle on tenait à peine debout de profil tant elle était étroite. A l'autre bout, une petite porte menait à une minuscule salle de bains qui sentait le renfermé.

A bout de forces, la jeune fille déposa son sac sur la couchette du bas, trop lasse pour réclamer celle d'en haut, et déclara :

- Preum's à la douche !

Ni une ni deux, elle sortit sa serviette de bain et ses habits de rechange de son sac, et s'enferma dans la salle d'eau. Moins d'une minute plus tard, l'eau chaude détendait ses muscles noués par les aventures du jour, et elle dut empêcher son cerveau de réfléchir à la raison pour laquelle ce voyage était une mauvaise idée. Une fois propre, elle se rhabilla et laissa la place à son frère. Une douce odeur de repas se répandait à travers le navire, et son estomac gargouilla bruyamment : elle déglutit et s'allongea sur son lit en attendant Louis.[/justify ]

Axelle semblait ne pas s'être réellement rendue compte de sa blessure. En un sens, cela rassura son frère : si elle n'en avait pas été consciente, c'est que ce n'était pas trop grave. Leurs deux adversaires arrivèrent peu de temps après, s'enquérant de leur santé. Ils ne semblaient pas blessés, ce qui voulait dire que parmi les humains, seule Axelle avait souffert, et de façon bénigne. Louis en fut soulagé, mais avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, sa jumelle le poussa gentiment, mais avec fermeté. L'adolescent se pinça les lèvres : il reconnaissait ce comportement caractéristique d'une crise de rage de sa jumelle. Heureusement, la douche froide anti-incendie la calma, avant qu'un message ne leur ordonne de quitter les lieux.

Axelle semblait effarée par la puissance de l'attaque, tandis que Louis était bien trop perdu pour réfléchir à tout ça. Le groupe se sépara, avec la promesse tacite de se revoir pour le repas. A peine arrivés dans leur compartiment, Axelle jeta son dévolu sur le lit du bas, sans même laisser le temps à son jumeau de protester, avant de se jeter à la douche.

Sans rien dire, le jeune garçon monta sur sa couchette et libéra ses Pokémons. Tous, y compris Dack, qui n'avait pas combattu, eurent droit à une baie. Il joua rapidement avec eux, jusqu'à ce que sa soeur lui laisse la place à la douche.

Alors qu'il se nettoyait et reprenait ses esprits, il se rendit compte qu'il n'était pas tout à fait indemne : le bras qu'il avait levé pour se protéger était légèrement brûlé. Ce n'était pas grand chose, mais maintenant qu'il était conscient de la blessure, celle-ci le piquait. Il termina de prendre sa douche avant de se sécher et d'appliquer la crème qu'Axelle avait déjà sortie.

Propre, soigné et habillé, il sortit de la salle de bain, et se tourna vers sa jumelle :

- On y va ?

Ils sortirent de leur chambre, guidés par l'odeur entêtante de nourriture. Louis passa une main sur son ventre gargouillant, se pressant silencieusement d'attendre un peu. Une fois dans le réfectoire, les deux Dégers cherchèrent leurs compagnons d'entrainement du regard, jusqu'à ce qu'ils repérèrent le signe que le blond leur faisait, depuis une table rond, dans un coin. Les deux dresseurs s'étaient changés ; le brun portant un ensemble noir et bleu, tandis que le blond était vêtu exclusivement de gris. Louis se fit la remarque qu'ils semblaient beaucoup plus impressionnant ainsi que dans leurs tenues de voyage.

Après s'être installés, le blond prit la parole.

- Je vous ai apporté une pommade contre les brûlures. C'est ce qu'il y a de plus efficace. Mon ami peut en témoigner ! termina-t-il sur un rire.
Le visage du brun sembla se renfrogner, perdu dans des pensées qui semblaient peu joyeuses. Son compagnon posa une main sur son épaule, et ils échangèrent un regard que Louis ne parvint pas à décrypter, et de toute façon, ce n'était pas ses affaires. Après ça, le brun sembla se ressaisir et prit la parole.

- Vous êtes bien courageux de venir à Maïlys. Mais après tout, c'est aussi de ça dont l'île a besoin, il ne faut surtout pas qu'elle soit coupée du reste du monde, auquel cas... De toute façon, j'ai entendu dire que la situation était plus ou moins stable en ce moment. Il n'y aurait pas eu d'offensive majeure depuis la destruction de l'Aurore.
Vous avez de la famille, sur place, pour vous héberger ?

Louis se pinça les lèvres. Cet homme venait de dire tout ce qu'il avait essayé d'expliquer à Axelle, sans y parvenir. L'adolescent se fit tout petit, mal à l'aise et inquiet.

Axelle accepta la pommade du jeune homme - qui n'était pas si jeune que ça, finalement, après l'avoir détaillé discrètement tandis qu'il mastiquait un morceau de steak de Frison - et la rangea dans sa poche. Elle ne s'était pas encombrée de son sac, et ses Pokémon étaient restés dans sa cabine avec un repas copieux. Elle espérait simplement que Mocheté n'irait pas tout manger sans rien laisser aux deux autres qui avaient combattu... Mais après tout, ils savaient se défendre. Tant qu'ils ne détruisaient pas la chambre.

Lorsque le brun eut fini d'engloutir des quantités astronomiques de nourriture en un temps record - Axelle n'avait jamais vu quelqu'un capable d'avaler un cuissot de Doduo en moins de dix minutes, et de recommander une assiette ensuite - il les avertit :

- Vous êtes bien courageux de venir à Maïlys. Mais après tout, c'est aussi de ça dont l'île a besoin, il ne faut surtout pas qu'elle soit coupée du reste du monde, auquel cas... De toute façon, j'ai entendu dire que la situation était plus ou moins stable en ce moment. Il n'y aurait pas eu d'offensive majeure depuis la destruction de l'Aurore.
Vous avez de la famille, sur place, pour vous héberger ?

Axelle déglutit difficilement. Louis gardait les yeux fixés sur son assiette, apparemment très concentré sur ses brocolis qu'il piquait nerveusement du bout de sa fourchette. Elle réfléchit à toute vitesse, un peu étonnée de ce qu'elle venait d'entendre. "C'est de ça que l'île a besoin" ? "Situation plus ou moins stable" ? "Offensive majeure" ? Bon sang, c'était une île paradisiaque, pas un pays du Tiers-Monde en proie au terrorisme religieux !

Enfin... C'était censé, en tous cas. Elle se reprit, et demanda d'une voix posée :

- Qu'entendez-vous par offensive majeure ?

Elle éludait soigneusement la question du brun sur l'hébergement : elle n'avait pas envie de lui mentir, mais le ferait en cas de nécessité. D'abord, en apprendre plus sur ce qu'il entendait par là. Si Maïlys recelait quelques dangers, ça n'était pas bien grave : ils resteraient dans les zones les plus sûre jusqu'à ce qu'ils soient assez forts pour les quitter, et iraient explorer ensuite. Sinon... Ils n'avaient plus assez d'argent pour payer un billet retour, de toute façon. Il faudrait le gagner en combattant.

Axelle enfourna donc un gros morceau de Magicarpe à la sauce Tamato entre ses dents, et commença à mastiquer en attendant la réponse du brun.

Louis continuait à observer ses brocolis avec un air passionné. Il semblait occulter tout le reste, et les contemplait comme s'il venait d'y lire la réponse à la grande question sur la vie, l'univers et le reste.
De leur côté, les deux adultes échangèrent un regard surpris, chargé d'incompréhension. Le brun répondit à la question de l'adolescente, tandis que son compère s'agitait sur sa chaise, mal à l'aise.

- Attaque de Deoxys lors d'un tournoi, assassinat de la dirigeante de l'Aurore. Puis l'assaut sur leurs quartiers. Ce genre de choses.

Axelle sembla s'étouffer, mais le brun n'en avait pas terminé.

- Avoir de nouveaux arrivants permet d'aider mentalement ceux qui se battent pour notre liberté. Ils nous rappellent pour qui nous combattons, et pourquoi. termina-t-il, le regard perdu dans le vague.

Louis leva la tête, timide, mais une question lui brûlait les lèvres.

- Est-ce que vous allez gagner ? Ce n'est pas vraiment dangereux pour des gens comme nous, si ?
- Je ne veux pas vous mentir, c'est mal parti. Et le danger est partout, pour tout le monde. Sauf pour les humains alliés à Deoxys...

L'adolescent éclata en sanglot et quitta la table. Une fois de plus, les deux adultes se regardèrent, et le blond se leva pour aller à la recherche de Louis, laissant seuls le brun et la jeune fille. Pour le coup, il était préférable que le plus délicat des deux aille voir celui qui semblait le plus souffrir de ces nouvelles.